Il était une fois
FABIENNE GAUTIER
Fondatrice du Pocket Théâtre en 1982
L'histoire de Fabienne Gautier, créatrice du Pocket Theâtre
Il y a 40 ans, une femme, passionnée de théâtre et engagée pour cet art, a une envie incroyable, une idée folle : transformer son petit appartement au cœur de Nogent-surMarne, en salle de spectacle !
Et il n’en a pas fallu plus pour passer des mots aux actes.
Bien accompagnée dans cette aventure, elle fait tomber le mur du salon et installe un plateau de jeu digne de ce nom.
Besoin d'une régie ?
Une estrade montée dans la cuisine, une ouverture dans le haut du mur, et le tour est joué.
1982, Le Pocket Théâtre est né !
Non contente d’avoir un lieu pour s’exprimer, pour Fabienne Gautier, il faut y jouer le plus possible, le faire savoir le faire voir .
Le théâtre doit avoir une place de choix dans la ville de Nogent-sur-Marne.
Car c’est bien de cela qu'il s’agissait déjà à l'époque et qu’il s’agit encore aujourd’hui. Du théâtre !
D’un amour débordant et inconditionnel pour les mots, pour les émotions, pour les corps en mouvement, pour les rencontres d’auteurs, de comédiens, de spectateurs.
Depuis donc 40 ans le Pocket Théâtre existe, et depuis 40 ans ses membres successifs se donnent et s'abandonnent à cet art, pour lui garantir la Vie plus que jamais !
Les souvenirs de Bernard Philippe - Président de l'association Pocket Théâtre en 2000, puis de 2002 à 2008
Au fil de l'histoire...
Quarante ans d'enthousiasme, de déprimes, de joies, de peines, de succès, d'échecs, et toujours une passion partagée du théâtre, avec ce qu'elle sous-entend de solidarité et d'entraide.
Tout a commencé en 1982. Jacqueline Gautier, dite Fabienne Gautier pour éviter la confusion avec une autre actrice célèbre, ancienne élève de "La rue blanche", était directrice adjointe de la Maison des Jeunes et de la Culture et occupait le logement de fonction de la directrice.
Elle décida de faire de ce petit bâtiment un théâtre et de se séparer de la MJC. Avec son compagnon Jacques Rebouillat, comédien expérimenté et bricoleur talentueux, qui allait être le premier président de l'association.
Prirent forme la scène et les deux loges-magasins que nous connaissons aujourd'hui. La seule entrée en scène était la porte du couloir et la salle ne comptait que 28 places, à plat, car la régie, plus avancée que maintenant, laissait à l'arrière une petite pièce secrétariat-accueil.
On conservait les décors à l'extérieur jusqu'à ce que la pluie les achève.
Pour cette école minuscule, Fabienne choisit à regret un nom anglophone parce que le "Théâtre de Poche" existait déjà. Elle commença avec quelques élèves adultes et resta longtemps l'unique professeur de cours de plus en plus nombreux, étendus aux enfants et ados.
Plus tard, elle fut secondée par Xavière Tessier-Viennois puis par d'autres bénévoles choisis parmi ses élèves. Elle confia aussi les cours enfants à sa fille, Anne Alexandre.
Fabienne, pleinement comédienne et enseignante, avait cependant un attachement particulier aux beaux textes et au respect de notre langue.
De plus, elle aimait et savait chanter.
Au delà de ses critiques, dures parfois, transparaissait son amour pour ses élèves, "ses enfants". Ceux-ci le lui rendaient sous forme d'une totale confiance et d'une grande admiration.
Fabienne ne laissait personne indifférent. Sa force de séduction dépassait le cadre de son petit théâtre.
Il y eut René de Obaldia, pas encore académicien, qui avait pris le Pocket sous sa protection, venait souvent assister aux spectacles et se trouvait dans la salle du Palais des Arts (futur Théâtre Watteau) pour "Les larmes de l'aveugle" le 24 janvier 1998.
Il y eut Jacques Martin, alors conseiller général, qui s'était lié d'amitié avec "cette grande dame".
Fabienne nous a quittés le 8 décembre 2000, après une longue maladie. Elle est partie sereine, en prodiguant quelques conseils sur l'avenir du Pocket.
Les bénévoles poursuivirent la saison commencée. Xavière Tessier-Viennois, Déborah Münzer et Bernard Philippe, alors président, choisirent la nouvelle directrice parmi onze candidats.
Le choix se porta sur Ghislaine Dumont, nogentaise, mais surtout riche d'une expérience de même nature à Pantin. Succéder à Fabienne était un défi. Ghislaine s'imposa avec professionnalisme et doigté.
Le 4 février 2007, Jacques Martin, maire de Nogent, inaugurait le nouveau bâtiment, mis à la disposition par la ville, aboutissement d'une longue requête.
Les Pocketins avaient anticipé en agrandissant eux-mêmes la salle ancienne et en y construisant les gradins. Plus tard, une deuxième entrée en scène sera ouverte côté cour.
Par la suite, viendront de jeunes directeurs : Caroline Pallarès, Giovanni Vitello, Vincent Varène. Et d'autres présidents : Christophe Varène, Ella Berkovich.
Depuis 2008, les professeurs sont tous professionnels, formés ou non au Pocket.
Il existe désormais, autour de ce lieu magique, une symbiose entre les plus anciens et les plus jeunes, tous également concernés par le présent et l'avenir de cette école d'art et d'amitié.
Les confidences de Mathieu Poilroux - élève de Fabienne Gautier au Pocket Théâtre dans les années 90.
Dans le courant des années 90, le Pocket devient pour beaucoup de lycéens, dont je fais partie, comme un second foyer. Nous y passons sans doute plus de temps qu’au lycée.
Au Pocket, on côtoie des adultes plus ou moins marginaux, un peu anars, et d’autres, plus « conventionnels ». Tous ont en commun de ne pas être là par hasard, font preuve d’une grande générosité et se montrent très investis.
A la tête de ce formidable bordel, se tient Fabienne ; le Pocket, c’est son bébé : Avec Jacques, elle en a squatté les murs et depuis elle s’y retranche, y monte les spectacles qu’elle veut et construit autour d’elle une famille dont elle serait la matriarche. Elle mène sa barque avec détermination, pugnacité, sans compromis. Son refus des concessions est redoutablement fédérateur.
Cet espace nouveau, le Pocket, qui a le parfum de la liberté, est aussi l’espace d’une grande exigence artistique qui requiert un investissement sans limite. Nous faisons partie d’une troupe et nous avons la conviction que le spectacle est une chose infiniment sérieuse. J’entre au Pocket presque comme on entre en religion.
Pendant plusieurs années, le Pocket sera ma vie. Les répétitions qui vont loin dans la nuit. Les heures passées assis sur la moquette rouge à regarder les autres travailler sous la direction de Fabienne. C’est ce que je préfère : respiration, montées, rythme, tout ça me bouleverse.
Et puis il y a la vie parmi les autres. La force du collectif qui poursuit un but commun. On vit au Pocket : on travaille les textes, on construit les décors au Pocket, on mange, on fait la fête au Pocket, on boit, on fume, on rit, on pleure, on dort au Pocket, on drague, on tombe amoureux, on fait l’amour pour la première fois, on se quitte, on se fait larguer au Pocket. Jacques nous dit que le Pocket est le seul endroit où nous soyons vraiment nous-mêmes. Pour ma part je le crois.
Le Pocket est au cœur de nos existences : expérience théâtrale, expérience humaine, apprentissage de la vie. Le Pocket fait et fera toujours partie de moi, il a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Je pense que je ne suis pas le seul à être dans ce cas…